≡ Tous les matins elle se lève, fume sa première cigarette tout en vidant le fond de bière posée sur sa table de chevet. Elle enfile un pantalon qui lui paraît propre, puis un t-shirt, et se lève avec une migraine ou une gueule de bois stridente qui lui lamine le cerveau. La pluie tombe à l'extérieur, et tout ce qu'elle aimerait faire à cet instant c'est oublié le monde et retourner se coucher. D'un mouvement de main elle pousse le rideau crasseux accroché à sa fenêtre et voit ses voisins s'activer, John l'alcoolique en face, Marie la vierge dépucelée à l'âge de douze ans, et le reste, pitoyable, pauvre, comme elle, comme sa famille. Rageusement elle se frotte le haut de son crâne et s'avance vers le mur en face d'elle et tape aussi fort qu'elle peut, la maison semble vibrer, les murs étant presque du papier ne tiendront plus longtemps à ce rythme. Elle entend des ronflements, grognements, et satisfaite, descend les petits escaliers. Une marche manque depuis déjà deux ans, elle ne peut pas payer la réparation, alors elle laisse, espérant que son père alcoolique s'y prenne un jour les pieds dedans. En parlant de lui, il est allongé de tout son large dans la cuisine, de ses pieds nus, elle shoote dedans avec plaisir pour lui faire comprendre qu'il doit ramper ailleurs. Il porte une odeur de bière sur ses habits, comme la plupart ces hommes dans ce quartier. Son premier frère descend, suivit du second, puis du troisième. Ils se ruent dans la cuisine et préparent leur déjeuner. Tous les trois laissent un billet de vingt pounds dans la boîte de glace qui leur sert de tirelire. Avec ça ils paieront la facture d'électricité, du moins elle l'espérait. « On a quoi encore à payer ce mois-ci ? » Elle fait mine de réfléchir, mais il y a trop de trucs, trop de choses dont elle ne voudrait plus avoir à s'occuper. C'était une routine, la routine des pauvres. « La taxe d'habitation et le loyer, ça devrait passer, enfin j'espère. » Tout le monde travaille à partir de dix ans, pas d'exception. Elle fait signe à son frère de débarrasser, elle doit se préparer pour aller travailler, toujours la même rengaine, la même tenue, le même fast food à servir. La déchéance complète, elle se plaignait, mais en réalité, elle aimait ce quartier, sa vie, ses voisins, voir même son père. Ils étaient part de son quotidien, personne ne jugeait personne, car tout le monde était dans le même pétrin, des services contre de l'argent. Il y avait de la diversité, de l'alcool, mais surtout du tabac. Vivre dans un slum commençait et finissait toujours de la même manière, clop au bec, bière à la main.